
LA CHRONIQUE DE LA SEMAINE ÉCOULÉE
La chronique de la semaine écoulée du 03 03 25
Le fameux document de 11 pages, intitulé "orientations présentées par le gouvernement après les réunions de Nouméa", est-il un énième document sur l'avenir de la Nouvelle-Calédonie, ou une vraie base de négociations ? L'avenir le dira.
Mais des documents comme ça, on en a vu des dizaines entre les différentes rapports parlementaires et universitaires, les réflexions sur l'avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie de Jean Courtial et de Ferdinand Soucramanien – qui est sans le doute l'un des meilleurs – ou, plus récemment, les documents successifs sur "les conséquences du oui et du non", sans oublier le fameux document martyr.
Bref, il existe une vaste littérature sur l'avenir institutionnel, on a beaucoup écrit sur le sujet et on a beaucoup parlé aussi.
C'est ce qu'ont fait les partenaires calédoniens, cette semaine, et ils ont tous répondu favorablement à l'invitation de Manuel Valls et d'Éric Thiers, le conseiller spécial du Premier ministre.
Et chacun de s'esbaudir ! "Ils sont tous autour de la table. Ils ont tous accepté de se parler."
Soyons honnête. C'est un événement en soi et, en l'occurrence, le ministre d'Etat a réussi son pari.
Mais il ne faut pas oublier, non plus, que ce sont les indépendantistes qui, depuis des années, refusaient de participer à des discussions et que ce sont eux qu'il fallait convaincre de revenir dans le jeu. On ne sait pas quels ont été les arguments de Manuel Valls pour les décider à reprendre le dialogue.
Mais c'est une mauvaise habitude calédonienne. Il faut des drames, des moments d'extrême tension pour arriver à créer les conditions de l'apaisement. Il faut rompre le fil pour être obligé de le renouer et, à ce titre, l'insurrection violente du 13 mai a été un électrochoc. On est surpris, d'ailleurs, que le document de l'Etat la qualifie de "catastrophe", comme si les émeutes nous étaient tombées dessus sans que personne n'en porte la responsabilité.
Mais passons, pour en venir à ces "orientations présentées par le gouvernement après les réunions de Nouméa". Le titre est sobre et, on l'a répété, ce n'est pas le résultat de négociations.
Les partenaires ne se sont accordés sur rien. Il s'agit seulement d'un compte-rendu des discussions, d'un inventaire des questions à traiter et d'un état des lieux des positions de chacun.
Et heureusement qu'ils ne sont pas mis d'accord sur ces orientations, parce que certaines ont du mal à passer.
A commencer par cette expression du "lien avec la France" qui est par trop ambigu. Ceux qui ont voté trois fois "non" à l'indépendance veulent que la Calédonie reste française, pas qu'elle garde un lien – plus ou moins lâche – avec la France.
Ambiguë aussi, l'affirmation du droit inaliénable à l’autodétermination et sa déclinaison en 4 hypothèses, comme si les calédoniens avaient, ad vitam aeternam, cette épée de Damoclès au-dessus de la tête et qu'ils ne pourraient jamais se projeter dans un statut définitif au sein de la République française.
Et que dire des hypothèses évoquées en matière de citoyenneté ou d'accès au corps électoral qui sont de véritables usines à gaz allant même jusqu'à imaginer... un permis à point pour pouvoir voter.
Bon, il fallait aller vite et rédiger, en quelques heures, le résultat de journées de discussions.
En outre – et on le comprend – Manuel Valls voulait partir avec un document mais le travail n'est pas très concluant et donne le sentiment d'offrir des gages, aux uns et aux autres, sans apporter aucune réponse et sans que l'on sache – une fois de plus – ce que veut l'Etat.
Quand on parlait du miracle de Matignon, on disait que les accords avaient réussi à "concilier les antagonismes".
Il faut dire que le projet politique était précédé d'un véritable projet de société qui organisait le vivre ensemble de deux légitimités.
Et là, on est loin du compte.