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Verdict dans l'affaire Parage : 7 ans de prison

21 novembre 2023 à 02:35
Verdict dans l'affaire Parage : 7 ans de prison

Avant de dire qui est l’accusé, le premier jour d’audience avait d'abord dit hier d’abord dit tout ce qu’il n’est pas.


Non. Jean-Louis Parage n’est pas un fou de la gâchette. C’est un vrai calédonien, humble et réservé, grand amateur de coups de chasse et de coups de pêche qui sont autant de coups d’amitié, de coups d’amour et de respect pour la nature et pour les hommes.


Non. Jean-Louis Parage n’est pas un raciste. Comment pourrait-il l’être d’ailleurs, le métis revendiqué qui ne parle jamais d’un kanak ou d’un chinois, mais les appelle par leur prénom ?


Et non ; Jean-Louis Parage n’est pas un justicier à la Charles Bronson qui aurait décidé d’administrer la justice suprême en lieu et place d’une justice humaine défaillante.


Vous voulez savoir qui est Jean-Louis Parage ? Un père et un frère exemplaire, si l’on en croit son fils et ses trois sœurs. Protecteur, exigeant, parfois un peu bourru, et toujours silencieux dès qu’il s’agit d’évoquer les quatre premières années de sa vie passées loin de ses parents.
Mais il est aussi celui qui a refusé de participer à un embryon de milice populaire, face aux cambriolages et au climat social tendu qui régnait alors. En ce mois de février 2021, à Port-Ouenghi, on s’inquiète. Les référendums, la crise de l’usine du sud, les pneus qui brûlent au carrefour de Thio, « on avait peur de revivre 84 », dira un témoin. Alors, cette nuit-là, lorsqu’il entend des bruits en provenance de son carport, Jean-Louis Parage prend sa carabine de chasse, parce qu’il ne sait pas à quoi s’attendre. Qu’il veut protéger sa femme. Lorsqu’il sort sous des trombes d’eau et dans l’obscurité totale, une forme bouge près de son pick-up, il tire au jugé une première fois, puis une deuxième vers le sol, alors qu’un complice qui avait tenté de faire démarrer sa voiture s’enfuit. Le tout a duré à peine 15 secondes.
Jean-Louis Parage ne le sait pas encore, mais ce coup de feu dans la nuit va tuer Stéphane Moindou, 24 ans, un multirécidiviste du vol de voiture plusieurs fois condamné. En garde à vue, il fondra en larmes en apprenant sa mort, et depuis, quelque chose le ronge dira l’une de ses sœurs, quelque chose qui ressemble à un profond sentiment de culpabilité face à un acte qu’il ne s’explique pas, à défaut de pouvoir l’excuser.
A la barre des témoins s’avance le père de la victime, un peintre en bâtiment de Thio Mission, ancien entraineur de football qui dans un premier temps ne s’est pas constitué partie civile malgré les sollicitations d’un avocat. Cet homme simple dont la douleur est silencieuse a plusieurs fois tenté de ramener ses deux fils dans le droit chemin, mais en vain. Aujourd’hui, Stéphane est mort, et son autre fils en prison, lui aussi pour des vols, des « délires de jeunes » comme le diront à l’audience les complices de la victime.


Rarement, sans doute, dans l'histoire judiciaire récente de la Nouvelle Calédonie, le contexte et les circonstances dans lesquelles un homme a donné la mort à un autre homme n'auront autant compté dans un verdict de cour d'assises. Et le Procureur de la République ne s'y est pas trompé, au deuxième jour d'audience, dans un réquisitoire où il a tout de suite été question de l'émotion suscitée par l'affaire Parage. Yves Dupas a d'ailleurs salué la sérénité qui a présidé aux débats de la cour, au regard du fort retentissement du drame, rappellant qu'en février 2021, lorsque Jean-Louis Parage a été présenté à un juge d'instruction, plus de mille personnes s'étaient rassemblées devant le palais de Justice pour lui exprimer leur soutien.


Mais Yves Dupas a regretté aussi certaines déclarations sur la défaillance de l'Etat. "Soyons clairs, a dit solennellement le procureur, si les cambriolages et les vols de voitures provoquent légitimement mécontentement, lassitude et sentiment d'insécurité, c'est le droit français qui organise la lutte contre la délinquance. C'est l'un des fondements de notre démocratie, qui rejette catégoriquement tout acte d'auto-défense".
Toutefois, cette affaire ne peut être sortie de son contexte particulier, et le procureur admet qu'il ne croit pas à l'intention de tuer. Dès lors se pose la question de la peine, qui est au maximum de 20 ans, mais qui doit elle aussi tenir compte des circonstances, et de la personnalité irréprochable de l'accusé. Exercice d'équilibre difficile qui consiste à ne pas accabler l'auteur sans oublier la victime. En tenant compte de tous ces éléments, Yves Dupas a réclamé 7 ans de prison. Sans mandat de dépôt.


Dans sa plaidoirie en défense, Mapître Martin Calmet a salué les réquisitions du Procureur, jugées humaines et justes. Evoquant aussi le remords ressenti par Jean-Louis Parage, Me Calmet s'est adressé directement aux jurés : "il n'y a pas d'honneur à condamner un homme déjà vaincu par le désespoir."


Après 1h45 de délibéré, la cour d'assises a suivi les réquisitions du procureur. 7 ans de prison, peine assortie d'une interdiction de détenir et porter une arme pendant 15 ans. Jean-Louis Parage a déjà effectué trois ans de cette peine, majoritairement sous bracelet électronique. En tenant compte des nouvelles mesures sur les remises de peine, qui sont à présent de 6 mois par an, il ne devrait pas retourner au Camp-Est. Il sera très prochainement convoqué par le juge d'application des peines.

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