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Affaire Pérès : deux procès en quête de vérité

16 avril 2023 à 22:41
Affaire Pérès : deux procès en quête de vérité

De mémoire d’avocat, de magistrat, de greffier ou d’huissier d’audience, on n’avait jamais vu ça ; un procès dont l’accusé est d’abord le héros d’une salle bondée de supporters. C’était il y a un an, lorsqu’Olivier Pérès avait comparu libre, saluant ses amis, apostrophant la partie civile, comme un acteur célèbre venu dédicacer ses mémoires. Dès lors, son attitude, la publication d’un pseudo roman dans lequel il réglait ses comptes par avance avait fait un effet désastreux sur les jurés, et sa défense en avait été réduite à tenter d’éviter le pire. Après une première condamnation à 20 de réclusion pour assassinat, Olivier Pérès avait fait appel, puis multiplié les demandes de mise en liberté avant que son état de santé, finalement, n’emporte la décision.


Placé sous contrôle judiciaire, c’est à nouveau libre qu’il est apparu il y a 12 jours dans la salle d’audience de la cour d’assises, et la première chose que l’on retiendra de ce procès en appel, c’est son changement d’attitude. Considérablement amaigri, prostré sur sa chaise, ne quittant jamais un chapelet enfermé dans sa main gauche, Olivier Pérès semble avoir compris qu’il ne décidera pas à la place de la justice, que ce n’est pas à lui de dire ce qu’est ou non la vérité, mais bien à ses juges.
Son histoire semble incroyable, et il le sait. Car comment imaginer que ce brillant chirurgien, père de sept enfants, d’une probité jusque là irréprochable, ait pu croire les sornettes racontées par sa victime, Eric Martinez, au point de se laisser convaincre d’acheter des armes, lui qui n’avait jamais su manier que le bistouri.


La personnalité d’Eric Martinez est d’ailleurs au cœur de ce dossier, et ni la partie civile ni le ministère public ne l’ignoraient, rappelant tout au long des débats que ce procès n’était pas celui de la victime. Seulement voilà. On ne peut toucher le cœur de ce dossier sans s’intéresser de près à cet entrepreneur du bâtiment qui a trompé tout son monde sur son passé militaire, jusqu’à sa propre épouse, et sur son comportement avec les femmes, qu’il a collectionnées au moins autant que les armes de guerre.


Ami des Pérès pendant huit ans, Eric Martinez a pratiqué une sorte d’intox au goutte à goutte qui peu à peu en a fait des marionnettes, avant qu’enfin, il puisse se vanter d’un véritable exploit : conquérir Mathilde Pérès. Et lorsque la femme du chirurgien revient à la raison et rentre chez son mari il est trop tard. Un climat de peur, de terreur même, s’est installé dans l’esprit du chirurgien, et lorsque l’épouse d’Eric Martinez parle à Olivier Pérès des menaces que son mari aurait proférées contre ses enfants, c’en est trop. Il faut que tout cela finisse.


Cette théorie, c’est celle de la défense, évidemment diamétralement opposée à celle de l’accusation, qui pendant deux semaines a affirmé que si le diable existe, c’est lui, Olivier Pérès, qui a tout planifié, tout orchestré avec une précision chirurgicale.
Après quatre heures de délibéré, la cour et les jurés ont rendu un verdict au milieu du gué. Ils n’ont pas retenu la légitime défense, mais pas non plus la préméditation. Il ne s’agit donc plus d’un assassinat, mais d’un meurtre. Et ils ont dit aussi que le discernement d’Olivier Pérès au moment des tirs était altéré, ce qui lui a valu non pas 22 ans mais 15 ans d’emprisonnement.


Les trois avocats de la défense, eux, avaient plaidé l’acquittement. Celui-là même qu’Olivier Pérès avait déjà obtenu de l’opinion publique.


Gilles Ménage

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